Émeute

Michel Kokoreff

Émeutes contre la vie chère, émeutes raciales et anti-policières, émeutes anti-immigrés, émeutes publiques quasi-insurrectionnelles… Toujours imprévisibles, extra-légales et illégitimes, les émeutes sont devenues, en ce début de XXIe siècle aussi diverses qu’innombrables, et l’auteur en fait le tour et retrace l’histoire du mot.

À l’ère de la globalisation des révoltes, l’émeute paraît en être la forme par excellence, de Pointe-à-Pitre (2009), Alger (2011) et São Paulo (2013), à Clichy-sous-Bois (2005) à Athènes (2008), Tottenham et Liverpool (2011), Hambourg (2011), Ferguson (2014) et Minneapolis (2020), en passant par le « Printemps arabe » (2011-2013), l’insurrection à Hong Kong (2017-2019) et le mouvement des Gilets jaunes (2018-2019) ; et même en Chine, sous la qualification de « urban disorders », dans le Xinjiang (2009), Wukan (2011 et 2016), ou encore Yugao (2013). Souvent spectaculaires et hypermédiatisées, ces violences collectives dites « urbaines » se muent en spectacle dans la société du même nom, vidées de leurs significations politiques.

Alors bien sûr, il y a émeutes et émeutes – frumentaires, ouvrières, xénophobes et racistes, raciales, carcérales, interethniques, urbaines, publiques, etc. Et l’inflation récente de cette notion a tendance à l’associer à toute révolte faisant usage de la violence, comme en Nouvelle-Calédonie ou au Royaume-Uni en 2024. Or l’émeute, si on reprend sa définition comme « soulèvement populaire spontané », désigne une forme de protestation collective bien définie. Il en existe plusieurs généalogies dont Michel Kokoreff ressse les grandes lignes. L’émeute a donc une histoire avec ses logiques, ses règles, ses acteurs, ses imaginaires, ses spectres aussi. Elle n’est pas qu’un « reflet » de transformations sociales et économiques plus générales. Quelles sont, en évitant les anachronismes et les risques de redondance, les similitudes et les différences, les interruptions et continuités, les impasses et avancées ? Voilà une des questions qui traverse ce livre.

Car l’essentiel est la mise en perspective des émeutes contemporaines, et plus encore, de ce qu’il faut bien appeler les émeutes de la mort, en France. C’est à peine s’il en reste des traces, vite effacées, oubliées. Nous sommes déjà passés à autre chose – comme après les attentats terroristes, l’épisode du Covid-19, la victoire politique du Rassemblement national (RN) –, aspirés par l’accélération vertigineuse du temps. Jusqu’au prochain drame et à la répétition des mêmes discours et des mêmes arguments – lassants. Conjurer l’oubli, le défaire, est impératif pour saisir les différentes causes des émeutes et entendre la parole des acteurs de l’ombre faisant irruption sur le devant de la scène – sans rien régler, l’émeute étant, précisément, ce reste : de l’inconciliable.

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Description

Sortie : 16 janvier 2025
112 pages
N° ISBN : 978-2-38191-115-1

Version numérique : 5,99 €
ISBN : 978-2-38191-

Table des matières

La mort de Nahel et les émeutes de la mort
D’une vague d’émeutes l’autre (2005-2023)
Des banlieues invisibles
Identité et participation des émeutiers
Le choix des mots
Des « grandes émotions » aux insurrections ouvrières
Généalogie des émeutes de la mort
L’extension du domaine de la rage
De l’émeute au fascisme
Références
Remerciements

La presse en parle

– Le Monde, Le livre du jour, Marion Dupont, extraits :
« De quoi se compose l’émeute ? De rien et de tout. D’une électricité dégagée peut à peur, d’une flamme subitement jaillie, d’une force qui erre, d’un souffle qui passe. Ce souffle rencontre des têtes qui parlent, des cerveaux qui rêvent, des âmes qui souffrent, des passions qui brûlent, des misères qui hurlent, et les emporte ». Un siècle et demi plus tard, devant les multiplications des embrasements urbains et populaires, la question posée par Victor Hugo dans Les Misérables (1862) méritait d’être posée à nouveaux frais. (…)
Prenant pour point de départ et pour principal objet les émeutes de la mort qui se succèdent dans les quartiers et banlieues populaires en France depuis les années 1970, (…) l’ouvrage explore ce qui, d’un épisode à l’autre, reste. (…) Le sociologue s’est attelé à rendre sa signification politique à un phénomène aussi vite médiatisé qu’oublié, pour tenter d’expliquer la montée et la récurrence de ces violences. (…)
Car si l’émeute en elle-même ne résout rien – « l’émeute étant précisément, ce reste : l’inconciliable » note Michel Kokoreff -, l’absence de réponse politique la condamne à la répétition et à son instrumentalisation par l’extrême droite pour accréditer l’idée qu’un pouvoir autoritaire pourrait, lui mettre un terme au cycle de la violence.

– chronique d’Arnaud Maisetti pour la Fabrique urbaine (à partir de la 22e minute) : https://euradio.fr/emission/KYnz-la-fabrique-urbaine/Y8QA-pour-un-urbanisme-du-care-la-fabrique-urbaine-90

– « Je range mon bureau » Guillaume Cingal sur Youtube à 3’05 : https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=0ntrXke1Cuk